Présentation du numéro 2 :
Chronique d’une famille ordinaire durant cinq siècles (1650 – 2012)

 

C’est à travers un prisme familial que la chronique présentée ici, du milieu du 17ème siècle jusqu’à nos jours, se poursuit dans cet essai. On y recherche les traits caractéristiques des relations qui s’organisent entre hommes et femmes placés dans des situations successives, face au quotidien, aux évènements les plus divers qu’ils partagent, en but ou en accord avec des préjugés qui changent, mais souvent en harmonie avec leurs états, leurs valeurs, leurs aspirations.

L’évolution des mentalités conditionnée par l’enrichissement des connaissances, se répercute sur les opinions des membres des familles et des groupes qui se côtoient ; elle devient palpable au long des siècles, et se manifeste plus ou moins rapidement sur la société en général.

Tout ce qui constitue chaque être humain, les conquêtes, le partage, les souffrances du corps et de l’âme, les bonheurs, l’amour, sont tributaires des énergies, des projets et de l’imaginaire. C’est cet imaginaire en particulier qui invente et construit les utopies du bonheur et les paradis sur terre. Un effort de synthétisation et de concentration peut conduire l’homme au plaisir et au bonheur extrême, avant sa dispersion et son identification au monde atomique et aux énergies qui animent l’univers.

 
 
Sommaire
 
  • Avertissement  page 3
  • Chronique d'une famille ordinaire                         (1650-2012) p 4                                   
            1-  Regard sur les ancêtres (1650-1962)  p 4
            2- Regard sur les générations (1900-2000)  p 11   
            3- Propos  sur la solitude p 22
            4-  Un temps de réflexion  p 29
              5-   Art poétique  p 30
              6-  Carnet de route à travers 80 ans  page 70
             7-  Dieppe au tournant du 19ème siècle  page 80
             8-  L'utopie interplanétaire  page 92
  • Bibliographie et notes
 
 
 


                        
 



 
 
 




                                                                                                                      
 
                                                                                                     
 
 
                                                                                                    
 


                           
 






 

 





 
 
 
 





 
 

 
 

 
 

 
 

 
 

 
  

 
 



Présentation de Joseph Hüe, auteur de la revue Sçavoir Faire Sçavoir


Ma vie professionnelle a été investie dans l’information au bénéfice des étudiants, des chercheurs et du public en général, de 1960 à aujourd’hui. Conservateur général retraité, je poursuis la même mission. 

Fondateur et directeur de la bibliothèque de l’université de Nanterre (1964-1985), directeur de la BDIC et du musée d’histoire contemporaine, Paris hôtel des Invalides (1984-1998), fondateur de la collection des publications « Des sources pour l’histoire » (1984-1998).
Fondateur et directeur du Collège encyclopédique SÇAVOIR FAIRE SÇAVOIR  (1974 => ) et de sa revue depuis 2011.

Un autre jardin d'Epicure...



L’homme à travers trois vagues déferlantes qui l’ont enroulé. Les tueries de 14-18, le nazisme et les camps, la guerre du Péloponnèse aux autocraties modernes : vision combien morbide de son destin, malgré la mise en place d’une première démocratie à Athènes, sous Périclès.
L’éloge de la folie d’Erasme serait-il toujours d’actualité ? Un tel constat ne peut satisfaire les peuples du IIIème millénaire


Une fois  « avertis » des bienfaits de la Paix, les hommes choisiront-ils de passer leur vie avec une amie, à tisonner… les charbons - en connivence avec Aristophane  -  et  à  investir dans le maintien de la Paix et dans la recherche  des utopies du bonheur ?

L'Utopie créatrice

Faites...faites pas la guerre

Les maçons et leurs chevaux avant les grutiers du XXème siècle- Peintre inconnu, collection privée.

HOMMAGE à Jacqueline de Romilly



Universitaire (E.R)
Membre de l’Académie française
Professeur de langue et littérature grecques à la Sorbonne (1957-73)
Professeur (1973-84) au Collège de France
Grande croix de la légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite.
Décédée le 18 décembre 2010


ŒUVRES1 :

Elle s’est attachée aux travaux de Thucydide et de l’impérialisme athénien, au théâtre d’Eschyle et d’Euripide en particulier.

A travers ces auteurs elle a recherché les méthodes d’invention de la démocratie, celles de la conquête de la maitrise de la raison sur les passions des hommes, celles de la garantie de la liberté par les lois, et le respect de la morale non écrite dans la cité : préliminaires d’un ordre international.







Au cours de sa longue vie et de son investissement personnel dans la transmission, aux générations d’étudiants de la Sorbonne et aux chercheurs hellénistes du Collège de France, de l’héritage de la culture et civilisation grecques dans l’Athènes de Périclès, Jacqueline de Romilly a plaidé avec force et conviction, à la fois dans l’écriture et dans la parole, animée par une sorte d’élan irrésistible qui l’emportait, toujours maitrisé cependant par une vive intelligence et une clarté d’esprit exceptionnelle.

Périclès,  stratège et  homme  politique athénien  (vers 495)  chef  du  parti  démocrate.  Après  la  paix  de  Trente  Ans  avec  Sparte (446)   il  favorisa une   politique  de  réalisation culturelle et sociale (Acropole, Pirée  etc…)et mena une activité intellectuelle brillante. Attaqué par ses adversaires, il dut payer une forte amende mais retrouva la faveur du peuple. Il mourutde la peste en 429.



Afin de perpétrer sa mémoire, le mieux à faire pour moi est de lui redonner une dernière fois la parole, post mortem, en reprenant la conclusion qu’elle avait elle-même rédigée pour clore l’un de ses derniers ouvrages sur LA GRANDEUR DE l’HOMME, édité chez Fallois en décembre 2010, comme une sorte de dernier testament intellectuel.



Sa conclusion

J. de Romilly  LA GRANDEUR DE L’HOMME
au siècle de Périclès Ed. Fallois 2010 
L’enquête qui précède est évidemment bien incomplète, elle retient de grands auteurs en prose ou en poésie, du Ve siècle avant Jésus-Christ, mais elle ne les retient même pas tous et ne pousse pas plus loin les choses. Elle ne parle ni de Socrate ni de Platon, pourtant si importants pour l’œuvre d’épuration de la religion grecque qu’ils proposent, en définissant le but de l’homme comme « l’assimilation à Dieu » [Homoiôsis theôi, Platon, Théétête, 176B.] ; on ne parle pas non plus de la riche évolution qui attendait cette morale de la solidarité humaine, de l’indulgence et du pardon, qui donnera de si beaux développements chez Ménandre, et plus tard chez Térence, morale qui se reflète ensuite dans tout un aspect du christianisme ; on n’envisage pas non plus les diverses doctrines philosophiques du IVe siècle et des siècles suivants, cruciales pour la connaissance de l’homme et de la place qui lui est faite dans l’univers. On peut, cependant, qu’avec la considération directe de textes qui ont beaucoup compté pour moi, se dégage une idée assez nette de cette grandeur de l’homme dont s’émerveillent au début de ce livre mes deux jeunes voyageurs.En fait, si cet élan chaleureux et fier se sent à chaque instant dans les textes, comme ceux-ci l’ont senti dans l’art même, on comprend mieux en lisant les textes qu’il ne faut à aucun prix considérer  ces Grecs de l’Athènes antique, comme des optimistes béats croyant que tout va bien pour l’homme et s’en félicitant : car cette impression de grandeur qu’ils suggèrent au premier abord, et qui se rencontre en fin de compte à chaque moment, est liée étroitement – on l’a vu – à l’idée d’une vie difficile, qui est menacée tout ensemble par des dieux inégalement bienveillants entre eux et avec les hommes ; et par les périls que suscite leur propre nature, imprudente, aveugle, égoïste, et capable à chaque instant de tout faire échouer. Le lumineux mérite de la pensée de la Grèce d’alors est d’avoir eu le désir passionné de dominer cette situation, et de se vouer à un idéal supérieur qui serait quelque chose de durable et de beau. Le sens de la grandeur humaine est un but, une conquête, un effort toujours renouvelé auquel un homme digne de ce nom doit consacrer toutes ses forces : là résident les chances de succès,   comme  on  l’a  vu  à  Athènes,  à  ce moment-là.

L’écho de ce succès s’est répandu dans les siècles qui ont suivi et il a pénétré la littérature de bien des pays.

Je devrais ajouter que je n’ai cité ici que des traductions. Or, l’intérêt des anciens Grecs pour le langage compte aussi, et compte beaucoup. Et là encore il y a comme un modèle : on ne peut pas avoir confiance en l’homme sans respecter aussi le langage, avec lequel s’expriment son désir, sa confiance, son dévouement, bref tout ce qu’il est ou veut être. Cette préoccupation peut rejoindre le thème de la grandeur de l’homme et doit se joindre à mon souci actuel de défendre une dernière fois mes idées.

En effet il est temps de l’avouer, je suis très vieille, âgée de plus de quatre-vingt-quinze ans, et j’ai vécu au contact de ces auteurs grecs pendant au moins quatre-vingts ans ; et je dois dire, moi, à mon tour, l’espèce de force et de lumière, l’espèce de confiance et d’espérance, que j’en ai toujours retirées. J’ai transmis la beauté de ces textes, et je suis sensible, à la fin de ma vie, au fait que beaucoup de mes élèves d’alors, tant d’années après, s’en souviennent et en ont tiré quelque enthousiasme. Mais je dois dire aussi, naturellement, qu’il m’est cruel de voir aujourd’hui se répandre une tendance à s’en désintéresser : cela est surtout grave parce que nous vivons une époque d’inquiétude, de tourments, de crise économique, et – par suite – de crise morale. Il me paraît qu’aucune époque n’a eu davantage besoin de notre littérature grecque ancienne, du talent qu’ont eu les auteurs pour exprimer ces idées, pour nous offrir cet exemple de réussite, et pour s’émouvoir de diverses façons de toutes les merveilles que représente l’existence humaine en dépit des difficultés et des désastres. On ne se rend pas habituellement compte de tout ce qu’apporte, moralement, le contact avec ces textes ni de la confiance renouvelée qu’ils nous inspirent. Cela est vrai de toutes les œuvres littéraires et cela était l’un des rôles de la littérature à travers les siècles, sauf au Moyen Âge peut-être, et sauf maintenant en tout cas. Et il m’a semblé que c’était une dette de reconnaissance, après avoir vécu au contact de ces textes, de faire un dernier et ultime effort pour en dire les merveilles et pour souhaiter que, dans notre époque de tensions, de doutes et de découragements, on se tourne vers l’étude de la littérature et de la langue qui ne sont pas des arts superflus et visant à la seule élégance ; pour dire aussi que, pour préparer l’homme de demain, il est plus utile que tout au monde de lui apprendre à lire les textes, les grands textes, et à bien connaître les moments de l’histoire humaine qui ont été toniques et beaux, autant que les statues qu’admiraient tant au début de ce livre nos deux jeunes gens.

J’ai eu du mal à écrire ce livre : je n’y vois plus, j’entends très mal et ma mémoire connaît des fléchissements, mais je voulais le faire justement parce que je suis arrivée à la fin de ma vie et que ce message me paraît plus que jamais précieux et important. Je ne sais si l’on m’entendra, quelques-uns peut-être ; mais du moins j’aurai essayé et c’est comme si le dernier mot que j’écrivais était pour dire merci.



Réflexions  d’un  ancien  étudiant  en  Sorbonne
en langue et littérature grecques


Dans les années cinquante, étudiant en lettres classiques à la Sorbonne, j’avais été particulièrement séduit par l’enseignement de quatre professeurs, deux en civilisations latines : André Fontaine avec son travail sur Isidore de Séville et la patrologie latine et Pierre Grimal avec Rome, Sénèque et Tacite, d’autre part deux hellénistes Jacqueline de Romilly avec la guerre du Péloponnèse et Fernand Robert avec sa collection hippocratique et ses commentaires sur la statuaire antique au Musée du Louvre.

Chacun d’eux, par leur approche des textes et des œuvres, et leur facilité à en révéler les caractéristiques, ont su capter notre intérêt pour l’histoire de peuples qui avaient vécu en Europe, en Asie et en Afrique, au cours de siècles remontant à plus de deux mille ans.

Ils ont su influencer beaucoup de mes condisciples et déclencher un appétit certain pour ces civilisations et leur histoire, au point qu’une partie des auditeurs ont investi durablement dans une recherche approfondie de ces siècles et parfois même passé le relais de la connaissance aux générations suivantes.

Quant à moi cet enseignement a façonné en profondeur ma conception de la vie , et déclenché un attachement viscéral -mais aussi philosophique - à la valeur fondamentale de la vie, et chemin faisant, à celle universelle de l’être humain et de son bonheur.

Les années ont passé, se chargeant d’éparpiller chacun selon ses talents et ses chances, mais après plusieurs décennies d’activité, souvent au service du public, la disparition d’un maître est toujours source de réflexion, de retour sur soi et d’une prise de conscience très forte de ce que l’on doit à ces professeurs qui ont consacré leur vie et leurs activités à l’éveil « politique et culturel » de milliers d’étudiants, pour une recherche approfondie de civilisations anciennes, en l’occurrence, mais combien riches encore d’enseignement et parfois d’une actualité évidente, comme le faisait remarquer Pierre Grimal à ses étudiants, dans ses commentaires à livre ouvert sur Tacite – auteur pourtant réputé difficile à aborder, par sa grammaire et son style.
                                                                    
Aussi à l’occasion d’une disparition comme celle de Jacqueline de Romilly, qui n’a eu de cesse d’étudier l’implantation et l’évolution de la démocratie en terres grecques, puis plus largement en Occident, la prise de conscience progressive des peuples pour l’organisation nécessaire des rapports politiques entre les individus  et celle des relations fondées sur le droit pour la sauvegarde de la liberté et de l’indépendance, on peut se féliciter d’avoir bénéficié de la chance d’un tel enseignement au démarrage de la vie.

Lors de la publication récente de deux ouvrages de Jacqueline de Romilly, le premier intitulé Le trésor des savoirs oubliés en 1998, et le second Les révélations de la mémoire en 2009, j’ai eu l’occasion de lui faire parvenir un essai consacré à La philosophie d’une veille du XXème siècle, comme dans un modeste écho, et en dédicace pour la remercier de ses travaux sur Thucydide qui m’avaient ouvert largement l’accès aux grands auteurs grecs et latins ; j’y avais joint, non sans audace, un poème qui chantait l’amour d’Aphrodite, « archétype apprivoisé, impénitente ».

Peu de temps après, en octobre 2010, j’avais reçu avec grand bonheur une carte de l’Académie française disant : « les fonctions que vous occupez paraissent bien sérieuses à côté de l’inspiration de votre poésie. Je suis contente de l’avoir et la garderai avec gratitude ». signé Jacqueline de Romilly.

Quand on sait ce que les expressions «  je suis contente » et « avec gratitude » représentaient pour elle, on ne peut qu’être heureux, fier et combien redevable à cette grande dame qui vient de nous quitter.


Joseph Hüe
Le berceau de ma culture






Synthèse




1 . Archétype

Aphrodite redécouverte
Près du temple de Mélos
Dans un champ du laboureur
Une vierge marmoréenne
Sort de sa gangue,
Recomposée
Presqu’intacte
Le front pur, sous la chevelure ardente,
Encore nouée,
Nommée par le navigateur
L’amour de Zeus
Et de la conjugaison des amants
Le temps bénit d’avant
Les ruses du doute
Et les affres de la séparation.
Vénus est là debout, sublime
Emergente de la mer
Triomphe de l’argile
A peine dénudée, devant le voyageur.
L’artiste anonyme a retenu la robe
Elle se délie déjà
Sous les doigts virtuels de la main disparue,
Invite à de nouvelles amours
Archétype apprivoisé, impénitente.





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1.J. de Romilly – œuvres (inventaire partiel) :

Les Belles Lettres : Thucydide édition et traduction (5 vol)Thucydide et
l’impérialisme athénien - La loi dans la pensée grecque.

PUF : La tragédie grecque.

ENS : L’invention de l’histoire politique chez Thucydide.

Fallois : Pourquoi la Grèce ?AlcibiadeLe trésor des savoirs oubliés - La Grèce antique contre la violenceSur les chemins de sainte Victoire - Les révélations de la mémoire.